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Dans le petit univers du disque, le métier du disque, le disque business, le succès de Mike Brant attise les jalousies : on le dit prétentieux alors qu’il est timide ; on le dit arrogant alors qu’en fait il est très complexé puisqu’il parle mal le français. Il le lit encore moins bien mais suffisamment pourtant pour être blessé par les propos de ceux qui le prennent pour un imbécile, ou par les blagues faciles de l’humoriste qui dit « drame chez Mike Brant, sa bibliothèque a brûlé, il a perdu ses albums à colorier » !

 

 A 24 ans, hier il était un parfait inconnu, aujourd’hui il côtoie au Hit Parade Claude François, Johnny Hallyday, Joe Dassin… Entre-temps, il rencontre Dalida qui l’impressionne beaucoup. Elle deviendra son amie. Elle lui propose de passer en « vedette anglaise » dans son prochain spectacle à l’Olympia de Paris. Jean Renard, devenu non seulement son producteur mais également son ami, trouve que c’est trop tôt et que Mike n’est pas encore prêt, mais Mike ne veut rien entendre. Et d’ailleurs cette décision sera à l’origine de leur rupture professionnelle mais elle lui vaudra aussi des critiques très violentes de la part de la Presse qui dira de lui qu’il chante « de la soupe » ( !!) Certains le traiteront même de « hors-d’œuvre avarié »…

 

 Avec son sourire ravageur, il plait aux femmes, accumule les liaisons, mais aucune des femmes qui passent dans sa vie que ce soir pour un soir ou quelques mois ne supportera la promiscuité des admiratrices, mais surtout l’emploi du temps démentiel du chanteur. Il va donner une moyenne de 250 représentations par ans et le service d’ordre qui veille à sa sécurité lors de ses concerts est digne de celui d’un chef d’Etat en déplacement. De nombreuses consignes sont instaurées : à dix mètres de la scène, double rangées de barrières métalliques ; une voiture de modèle différent à chaque gala doit attendre moteur allumé à la sortie de la scène, si bien que Mike Brant est déjà très loin quand le public réclame des appels. Il faut dire que l’hystérie de certaines de ses fans était démesurée et certaines n’hésitaient pas à lui venir dessus avec des ciseaux dans le but de lui voler une mèche de ses cheveux. Le drame de Mike était qu’il voulait être reconnu en tant qu’artiste alors qu’on le considérait plus comme une idole. Quel homme aussi éloigné de sa terre natale, aussi offert en pâture, aux ragots des humoristes professionnels, pourrait tenir aussi longtemps sous une telle pression ?

 

 â€¦Tout paraissait lui sourire mais le doute s’est installé : pourra t-il renouveler ses succès à chacun de ses disques ? Mais surtout, et en dehors de tout, il a peur pour son physique : il a peur de grossir, il a une peur panique de perdre ses cheveux. On raconte même qu’il comptait le matin sur son oreiller les cheveux qu’il avait perdus pendant la nuit. On n’est pas loin du comportement mono maniaque. Ce qui fait que son succès auprès des femmes, les fans qui couchent devant sa porte l’obligeant à déménager, au lieu de conforter son narcissisme, au lieu de conforter son ego, augmentent cette peur irraisonnée. Il avait désiré l’adulation du public. Voici maintenant que ce phénomène l’effraie.

 

 En septembre 1972, à Munich, onze athlètes Israéliens qui participaient aux Jeux Olympiques sont abattus par un commando de terroristes Palestiniens. Les agressions anti-israéliens n’ont plus pour seules cibles les militants et les hommes politiques. Et si l’on s’en prend aux athlètes alors on pourrait s’en prendre aux artistes. Pour Mike, l’angoisse des attentats pourrait déclencher alors un sentiment de paranoïa. Si Mike Brant se croit menacé c’est parce qu’il se sent profondément israélien et quand la guerre du Kippour éclate en octobre 1976, il voudra démontrer son attachement à son pays. Mike Brant interrompt sa tournée au Canada. Il avait été réformé du Service Militaire à cause d’un ulcère à l’estomac qu’on avait opéré lorsqu’il avait quinze ans. Il ne peut donc se battre comme son frère pour son Pays. Son frère Zvi dira que cette guerre aura profondément changé la personalite de Mike. Lors d’une visite qu’il fera à son frère engagé dans cette guerre, il apportera des disques pour les soldats, visitera les hôpitaux, donnera des concerts… Mais une partie de la presse israélienne dénoncera ce geste comme un coup de publicité ( !!) . Or, ce déplacement est dicté par des convictions personnelles, d’ailleurs Mike Brant a interdit à son entourage d’avertir les journalistes de sa visite. Il est vrai que depuis qu’il s’est installé en France il est stigmatisé par la presse du pays qui lui reproche de les avoir abandonné.

 

 Â« C’est ma prière », première composition de Mike Brant, succès instantané ! Le titre fait un peu penser à celui du tube des Platters « My prayer ». C’était surtout le premier 45 tours que sa maman avait offert au petit Mike. Et alors, à partir de là, il va composer ses chansons et adoptera une méthode assez intéressante puisqu’il n’a jamais apprit à écrire la musique. En fait, il trouve les mélodies et tout en se les fredonnant il place les voyelles, si bien qu’ensuite son parolier, Michel Jourdan, n’a plus qu’à créer, trouver, inventer les mots qui entreront le mieux en consonance avec ces voyelles. De cette étroite collaboration vont naître les plus grands tubes de Mike Brant : « C’est comme ça que je t’aime », « Rien qu’une larme »…

 

 Tournées, galas, enregistrements, le rythme incessant, le harcèlement des fans, c’est le lot de tous les chanteurs pop de l’époque. Et, pendant la seule année 1973, il va chanter dans deux cents villes de gala en gala parcourant 80 000 kilomètres… Malgré ses succès, malgré les millions de disques vendus, Mike Brant s’enfonce dans une dépression qu’il ne veut sans doute pas encore reconnaître. Le 4 mai 1974, à un concert à Boissy-Saint-Léger, il craque ! Il perd le contrôle de soi pour la première fois : c’est au bout de la quatrième chanson qu’il va sortir de scène et s’enfuir dans sa voiture, terrifié, ne se calmant qu’une fois cloîtré dans son appartement. Quelques jours plus tard seulement, à un autre concert, il s’enferme dans sa loge et brise du poing le miroir qui lui renvoi un reflet qu’il ne reconnaît pas. Il va dire : « Je ne veux plus être Mike Brant ! » Voilà donc un homme à la recherche de son identité, à la recherche d’un équilibre. Dans ces cas là, qu’est-ce qu’on fait ? Que va faire un chanteur professionnel ? Si il ne peut pas se changer lui alors il va changer les gens qui l’entourent.

 

 Dès leur première rencontre Mike Brant semble fasciné par Simon Wajntrob, homme d’affaires aux fréquentations douteuses qui se présente comme vendeur exclusif des Å“uvres du peintre Salvadore Dali. Propriétaire de chevaux, il roule en Rolls-Royce et surtout, il parle l’Hébreux. Simon Wajntrob va devenir le producteur de Mike Brant… Mais à l’heure des premiers comptes le chanteur s’apercevra très vite que ses revenus ne correspondent pas à ses espérances ni aux promesses faites par le producteur. Une subtilité du contrat le liant à son producteur lui aurait-elle échappée ou a-t-il tout simplement été escroqué ? Mike Brant se sent spolié, trahi, il a besoin d’une pause et refuse donc de faire une tournée pour l’été 1974.

 

 â€¦Â« Etat mélancoliforme sous dépendance suicidaire chronique », tek est le diagnostic des médecins au lendemain de sa tentative de suicide le 22 novembre 1974 à Genève. A ses amis venus à son chevet, à sa mère accourue d’Israël, Mike Brant ne veut pas dire un seul mot de ce qui s’est véritablement passé ce matin là dans la chambre de son producteur Simon Wajntrob au cinquième étage avant qu’il ne saute. Les anti-dépresseurs, les calmants et les stimulants devraient l’aider à sortir de sa dépression. Mike Brant est aussi réconforté par les conversations qu’il a avec l’aumônier de l’hôpital et par la lecture d’une Bible hébraïque qu’il tient à portée de mains.

 

 En février 1975, juste après y avoir fêté ses vingt-huit ans, Mike Brant quitte l’hôpital. Il ne veut pas rentrer à Paris ne se sentant pas encore prêt, mais c’est une chanson qui le fera sortir de sa retraite, « feelings ». Au mois d’avril 1975, Mike Brant écoute l’adaptation qu’il vient d’enregistrer. Il est satisfait du résultat et se dit que ce coup ci il pourra peut-être faire l’Olympia. Michel Jourdan, son parolier, témoigne : « Quand il me parlait un peu de ses rêves, Mike Brant me disait « la prochaine fois que je ferais l’Olympia ça sera tout seul, ça sera en vedette… En première partie, je serais en noir et tout l’orchestre sera en blanc et tout le contraire après l’entracte !…Il voyait ça comme un show style Las Vegas et quand il me parlait de ses goût musicaux, on peut dire qu’ils étaient bien loin de son répertoire. C’est la raison pour laquelle lorsqu’il a eu l’occasion de chanter « Feeling » qui rentrait justement dans un répertoire plus « classieux » par rapport à ce qu’il avait chanté jusque alors, et bien là, c’est la toute première fois que je l’ai vu fier de ce qu’il avait fait ».

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